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Rencontre avec Mélissa Héoud, cheffe de service de la Conciergerie Solidaire

Des Grands Voisins à Césure, en passant par les Cinq Toits et les Amarres, Mélissa a contribué aux tiers-lieux de l’association Aurore et de Yes We Camp grâce à la conciergerie solidaire, un dispositif d’insertion qui s’est avéré essentiel dans à vie des sites et de leurs usagers. Plongeons dans la vie de ce service pas comme les autres aux Amarres !

Bonjour Mélissa, tu es la nouvelle cheffe de service de la conciergerie solidaire, est-ce que tu peux te présenter rapidement ?

Je suis Mélissa Héoud, j’ai intégré la Conciergerie Solidaire en septembre 2019, en tant qu’encadrante technique et conseillère en insertion professionnelle – comme on dit dans le jargon. J’ai débuté aux Grands Voisins et j’y suis resté un an jusqu’à la fermeture du site jusqu’à notre déménagement aux Cinq Toits dans le 16e. En janvier 2023 on s’est installés à Césure dans le 5e, et le mois suivant je suis devenue cheffe de service en remplacement de Michaël Mosset !

Entrons tout de suite dans le vif du sujet : tout d’abord, est-ce que tu peux présenter la Conciergerie Solidaire pour les néophytes ?

C’est un service de remobilisation pour les personnes qui sont à la rue ou qui ont connu l’errance. Le prérequis, c’est d’être très éloigné de l’emploi : on accompagne, par exemple, beaucoup de personnes qui sont en situation d’addiction, un frein majeur pour atteindre une vie professionnelle stable, ou encore des personnes qui sont en situation de handicap. C’est compliqué pour eux et elles de travailler toute la semaine sur des horaires classiques ou même sur 26 heures hebdomadaires dans des chantiers d’insertion, un format également adapté aux personnes en difficulté. Nous, on est vraiment la première marche pour un retour à l’emploi : 6 heures par semaine au début, puis 9 heures, puis 12 heures, c’est vraiment progressif.

Le premier objectif, c’est de redonner confiance à la personne, mais aussi pour certains de rouvrir des droits, travailler sur ses addictions, prendre des cours de français : plein de choses qui font qu’après, il leur sera plus facile de potentiellement accéder à un emploi, mais pas que, parce qu’on cherche à travailler aussi sur la restructuration de leurs quotidiens.

Peux-tu nous présenter le parcours type d’un bénéficiaire du Dispositif Première Heures ?

Les personnes nous sont orientées par des travailleurs sociaux, des maraudes, des centres de soins comme le CSAPA ou de traitement de troubles psychiques comme les CNP ou bien encore des Centre d’Hébergement d’Urgence ou de stabilisation. On accompagne ensuite la personne pendant maximum un an, mais sur ce laps de temps on a parfois des coupures et des abandons, alors que d’autres se mobilisent plus facilement et se dirigent vers un emploi ou une formation avant la fin de l’année.

Au bout de ce processus, les personnes sont orientées vers des chantiers d’insertion qui sont mis en place par d’autres associations dans plein de domaines différents : tri de vêtements, restauration, espaces verts, et bien d’autres encore. Ce sont des formats de 26 heures par semaine, qui constituent une nouvelle marche vers les 35 heures. On est donc vraiment la première étape : on n’est pas vraiment un dispositif d’insertion, mais plutôt un dispositif de remobilisation, que ce soit pour se projeter à nouveau vers l’emploi, mais aussi dans sa vie : sur ses droits, sur l’hébergement, sur la sociabilisation.

Est-ce que tu peux nous faire un point d’histoire de la Conciergerie Solidaire ?

Elle est née aux Grands Voisins, elle a vraiment été imaginée comme une conciergerie de quartier sur le site de Saint-Vincent de Paul qui était particulièrement énorme. Sa mission principale était de nettoyer les espaces extérieurs car il y avait beaucoup de passage et de vie sur le lieu : les structures occupantes de Plateau Urbain, les hébergés de l’association Aurore et les visiteurs de Yes We Camp. Il y avait également une partie de végétalisation, toujours dans l’objectif d’embellir le lieu, ainsi que de bricolage et d’aménagement, mais aussi plein de petits services rendus aux voisins et voisines. On a travaillé avec Fleurs d’Ici sur la préparation de bouquets de fleurs, avec la boulangerie pour faire un peu de caisse, avec Mon jardin chocolaté sur la confection des produits et sur la fin on a fait pas mal de déménagements. Une autre mission importante : on faisait l’accueil et la gestion du courrier et des colis en lien avec la médiation.

On est déjà en train de reprendre cette activité sur le nouveau site de Césure, pour que les structures occupantes, très nombreuses sur ce site, puissent venir récupérer ce qui arrive par la poste. On a ensuite bifurqué sur les Cinq Toits où le site est beaucoup moins fréquenté. On s’est donc concentrés sur la voirie, la végétalisation, ainsi que les aménagements, les constructions et les réparations. On s’occupait aussi de la partie compost dans le volet gestion des déchets.

Et aux Amarres en particulier, quel est le rôle de la conciergerie ?

On y partage un atelier avec Yes We Camp, ce qui nous permet de faire des travaux d’embellissement de site – entre autres des accueils de jours hommes et familles – ainsi que des petites réparations. On intervient également sur la végétalisation du site avec pas mal de bacs sacs sur les terrasses, mais aussi dans le grand hall, le patio et la serre de la terrasse pour des plantations en lien avec Pépins Productions et les accueillis. On y a aussi notre vestiaire qui nous sert de lieu de départ pour la gare de Bercy où on intervient deux fois par semaine. Là-bas on entretient le jardin du terroir – qui est l’espace végétal devant la gare – et on fait du nettoyage. On a construit deux jardinières, et une troisième est en route !

Comment de personnes accompagnez-vous chaque année ? Comment est composée votre équipe ?

En 2022, on a compté 42 personnes suivies par exemple et généralement on en a entre 30 et 40. Niveau staff on compte aujourd’hui trois encadrantes et une cheffe de service. Elles deviennent d’ailleurs éducatrices socioprofessionnelles et se partagent également le suivi social des salariés en insertion.

Quelles sont les perspectives d’avenir pour le service ?

On vient seulement d’arriver à Césure donc il y a encore beaucoup de choses à construire et on est très mobilisés sur la fermeture des Cinq Toits en ce moment : le déménagement des bureaux, le rapatriement des espaces verts et des bacs à compost. L’idée c’est donc de bien finir aux Cinq Toits et de bien commencer à Césure !

Autre information importante : on rejoint Convergence, un dispositif d’Emmaüs Défi, pour devenir un dispositif premières heures en chantier. Il nous permet de faire un meilleur lien entre les dispositifs premières heures – plafonnés à 12 ou 16 heures par semaine – pour pouvoir monter jusqu’à 26 heures [par semaine]. On se joint donc à plusieurs chantiers d’insertion parisiens qui font partie du dispositif depuis 2015 afin d’assurer une meilleure continuité dans l’accompagnement. On se rattache techniquement à Prélude, le chantier d’insertion parisien de l’association Aurore, ce qui fait concrètement que nos salariés en insertion signent un CDDI de quatre mois renouvelables deux fois avec l’association. On passe donc d’un intérim d’insertion à un vrai contrat !

Est-ce que tu penses que le modèle DPH (Dispositif Premières Heures) est réplicable dans d’autres strates de la société, au-delà du milieu des tiers-lieu ?

Etant donné qu’on travaille avec un public désociabilisé avec des problématiques particulières, il est difficile d’envisager de les intégrer dans une grosse entreprise qui n’est pas formée pour travailler avec leurs problématiques. Mais je sais que chez Carton Plein [une association d’insertion socioprofessionnelle pionnière du DPH] il y a un travail qui est fait sur le lien entre les entreprises classiques et leurs salariés en insertion pour faire des sorties en droit commun. Par exemple, ils ont permis à deux DPH de signer des CDI temps choisi chez Metro !